Mafia: « Tu seras un homme ma fille »

26 Février 2013


Les femmes de mafiosi, simples figurantes laissées dans l'ignorance des affaires ? Rien n'est moins sûr, les épouses et filles deviennent aussi des « marraines », adulées et redoutées. Elles vont au bout de leur mission immorale, ou refusent d'être soumises. Jouent un rôle de loin, ou dirigent l’organisation. Retour sur quelques grandes figures féminines de ces puissances de l'ombre.


Pupetta Maresca
1950. À 16 ans et enceinte de huit mois, Pupetta Maresca tire de sang-froid sur l'assassin de son mari à la vue de tous. Elle l'abattra de quinze coups de feu. Quelques années d'emprisonnement plus tard, « Madame Camorra », de l'organisation criminelle du même nom, reprendra le flambeau de son compagnon et y aura un rôle très actif. De quoi tordre le cou aux clichés de la veuve éplorée et de l'amante soumise. La première de ces « capesses » (femme-boss en italien) inspirera nombre de « femmes d'honneur » à suivre le même chemin.
Elles sont italiennes, colombiennes, mexicaines... Leurs destins incroyables inspirent les scénaristes hollywoodiens, et comme « Le Parrain », certaines auront droit à leurs adaptations cinématographiques. Griselda Blanco, disciple du grand trafiquant Pablo Escobar par exemple. Celle qui nomma son fils Michael Corleone, conduisait des voitures de sport, fréquentait les baraques de luxe à Miami, et dirigeait un trafic brassant jusqu'à 1500 kilos de drogue par mois. A son arrestation lui seront attribués, entre autres, le meurtre de 200 personnes, dont la responsabilité d'une fusillade où un enfant de deux ans trouva la mort. Abattue en pleine rue de deux balles dans la tête en septembre 2012, sa fin clôt en beauté une vie riche en rebondissements et écarts à la justice (qui devrait bientôt être adaptée avec Jennifer Lopez pour jouer son rôle).
Mais le symbole du « Parrain » au féminin, c'est bien Giusy Vitale, la « Lady Mafia ». Quand, en 1998, la jeune femme de 26 ans est arrêtée, les magistrats n'en croient pas leurs yeux. Pour la première fois, une régente a le pouvoir sur l'organisation de « Cosa Nostra ». Et ça, car elle est jugée plus apte que n'importe quel homme à diriger les affaires. « Ni mon mari ni mon beau-frère n'étaient des gens fiables » expliquera-t-elle. En dirigeant d'une main de fer ses mafiosos pendant plusieurs mois, Giusy démontre que les femmes aussi sont capables d'assumer la responsabilité de meurtres, fusillades, enlèvements et autres hold-up. Elle s'offrira la même vie que n'importe quel parrain, jonglant entre sa famille et plusieurs amants. A son arrestation, elle sera la première femme à être condamnée selon l'article 416 du Code Anti-Mafia.

Les repenties

Les femmes, véritable force au sein des mafias, détiennent aussi le pouvoir de provoquer leur perte. Selon la magistrate Teresa Principato, spécialiste de la mafia,« si les femmes se mettaient à parler, la mafia serait vaincue du jour au lendemain ». Actrices de l'ombre, ou sur le devant de la scène, elles en savent bien plus qu'elles ne veulent l'admettre. Quand Giusy Vitale craquera à son tour, en 2005, elle donnera plus d'informations que beaucoup d'autres hommes. Devenue intarissable sur le fonctionnement de Cosa Nostra, elle se met l'entière Organisation à dos ; ses frères iront jusqu'à souhaiter sa mort. La première femme-boss devient la plus célèbre des repenties.
Quand les femmes « balancent », ce n'est jamais sans conséquence. Rita Atria, fille d'un petit boss, devient symbolique de ces repenties. La jeune fille a 17 ans lorsqu'elle se jette du septième étage de son immeuble. Après avoir vu son père, puis son frère mourir sous les balles de la Cosa Nostra, elle rompt la loi du silence, et raconte tout ce qu'elle sait à un juge anti-mafia. 

De désespoir, elle mettra fin à ses jours lorsque ce dernier est aussi abattu par l'Organisation. Sa trahison ne lui sera jamais pardonnée, même de par la mort. Sa mère elle même, profanera sa tombe à coups de marteau. La fidélité va au clan, au delà de tout. Epouses dévouées, nouvelles chef de clan, ou « repenties », la mafia décidera du reste leurs vies.



Rédactrice pour Le Journal International, étudiante en journalisme à l'ISCPA. En savoir plus sur cet auteur